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    Petit jardin que j'ai planté
    Que ton enceinte sait me plaire !
    Je vois en ta simplicité,
    L'image de mon caractère.

    Pour rêver qu'on s'y trouve bien !
    Ton agrément c'est la verdure ;
    A l'art tu ne dois presque rien,
    Tu dois beaucoup à la nature.

    D'un fleuve rapide en son cours,
    Tes murs viennent toucher la rive,
    Et j'y vois s'écouler mes jours,
    Comme son onde fugitive.

    Lorsque, pour goûter le repos,
    Chaque soir je quitte l'ouvrage,
    Que j'aime, jeunes arbrisseaux,
    A reposer sous votre ombrage !

    Votre feuillage, tout le jour,
    Au doux rossignol sert d'asile ;
    C'est là qu'il chante son amour,
    Et, la nuit, il y dort tranquille.

    Toi qui brilles en mon jardin,
    Tendre fleur, ton destin m'afflige !
    On te voit fleurir le matin,
    Et, le soir, mourir sur la tige.

    Vous croissez arbrisseaux charmants,
    Dans l'air votre tige s'élance ;
    Hélas ! J'eus aussi mon printemps,
    Mais déjà mon hiver commence.

    Mais à quoi sert de regretter,
    Les jours de notre court passage ?
    La mort ne doit point attrister,
    Ce n'est que la fin du voyage.

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    Qu'on déserte la ville ! Que nul rallume
    L'autel ! Nous laisserons à tout jamais, ce soir,
    Les dieux horribles de la terre, et dans le noir
    Nous partirons, suivis par un frisson d'écume...

    La nef impérieuse à travers l'amertume
    Bondira, tranchant l'eau du fil de son coupoir
    Et nous nous pencherons sur la proue, à l'espoir
    De vos terribles voix, déesses de la brume !

    Grands poissons glauques d'où fleurissent des corps blancs,
    Nus miroirs de la lune et des flots nonchalants,
    Vous qui chantez vos yeux dans les algues, Sirènes !

    Quand nous aurons touché vos bouches, vous pourrez,
    D'un signe seulement de vos doigts adorés,
    Délivrer dans la mort nos âmes plus sereines.

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    Oh ! Pourquoi voyager ? As-tu dit. C'est que l'âme
    Se prend de longs ennuis et partout et toujours ;
    C'est qu'il est un désir, ardent comme une flamme,
    Qui, nos amours éteints, survit à nos amours !
    C'est qu'on est mal ici ! - Comme les hirondelles,
    Un vague instinct d'aller nous dévore à mourir ;
    C'est qu'à nos cœurs, mon Dieu ! vous avez mis des ailes.
    Voilà pourquoi je veux partir !

    C'est que le cœur hennit en pensant aux voyages,
    Plus fort que le coursier qui sellé nous attend ;
    C'est qu'il est dans le nom des plus lointains rivages
    Des charmes sans pareils pour celui qui l'entend ;
    Irrésistible appel, ranz des vaches pour l'âme
    Qui cherche son pays perdu - dans l'avenir ;
    C'est fier comme un clairon, doux comme un chant de femme.
    Voilà pourquoi je veux partir !

    C'est que toi, pauvre enfant, et si jeune et si belle,
    Qui vivais près de nous et couchais sur nos cœurs,
    Tu n'as pas su dompter cette force rebelle
    Qui nous jeta vers toi pour nous pousser ailleurs !
    Tu n'as plus de mystère au fond de ton sourire,
    Nous le connaissons trop pour jamais revenir ;
    La chaîne des baisers se rompt, - l'amour expire...
    Voilà pourquoi je veux partir !

    En vain, tout en pleurant, la femme qui nous aime
    Viendrait à notre épaule agrafer nos manteaux,
    Nous resterions glacés à cet instant suprême ;
    A trop couler pour nous des pleurs ne sont plus beaux.
    Nous n'entendrions plus cette voix qui répète :
    " Oh ! pourquoi voyager ? " dans un tendre soupir,
    Et nous dirions adieu sans retourner la tête.
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Oh ! Ne m'accuse pas ; accuse la nature,
    Accuse Dieu plutôt, - mais ne m'accuse pas !
    Est-ce ma faute, à moi, si dans la vie obscure
    Mes yeux ont soif de jour, mes pieds ont soif de pas ?
    Si je n'ai pu rester à languir sur ta couche,
    Si tes bras m'étouffaient sans me faire mourir,
    S'il me fallait plus d'air qu'il n'en peut dans ta bouche...
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Pourquoi ne pouvais-tu suffire à ma pensée
    Et tes yeux n'être plus que mes seuls horizons ?
    Pourquoi ne pas cacher ma tête reposée
    Sous les abris d'or pur de tes longs cheveux blonds ?
    Comme la jeune épouse endormie à l'aurore,
    La fleur d'amour, comme elle, au soir va se rouvrir...
    Mais si l'amour n'est plus, pourquoi de l'âme encore ?
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Tu ne la connais pas, cette vie ennuyée,
    Lasse de pendre au mât, avide d'ouragan.
    Toi, tu restes toujours, sur ton coude appuyée,
    A voir stagner la tienne ainsi qu'un bel étang.
    Restes-y ! Mon amour fut l'ombre d'un nuage
    Sur l'étang ; - le soleil y reviendra frémir !
    Tu ne garderas pas trace de mon passage...
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Ô coupe de vermeil où j'ai puisé la vie,
    Je ne t'emporte pas dans mon sein tout glacé !
    Reste derrière moi, reste à demi remplie,
    Offrande à l'avenir et débris du passé.
    Je peux boire à présent, sans que trop il m'en coûte,
    Un breuvage moins doux et moins prompt à tarir,
    Dans le creux de mes mains, aux fossés de la route...
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Mais, si c'est t'offenser que partir, oh ! Pardonne ;
    Quoique de ces douleurs dont tu n'eus point ta part,
    Rien, hélas ! (Et pourtant autrefois tu fus bonne !)
    Ne saurait racheter le crime du départ.
    Pourquoi t'associerais-je à mon triste voyage ?
    Lorsque tu le pourrais, oserais-tu venir ?
    Plus sombre que Lara, je n'aurai point de page...
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Et qu'importe un pardon ! - Innocent ou coupable,
    On n'est jamais fidèle ou parjure à moitié ;
    Le coeur, sans être dur, demeure inébranlable,
    Et l'oubli lui vaut mieux qu'une vaine pitié.
    Ah ! l'oubli ! Quel repos quand notre âme est lassée !
    Endors-toi dans ses bras, sans rêver ni souffrir...
    Je ne veux rien de toi... pas même une pensée !
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Car il est, tu le sais, ô femme abandonnée,
    Un voyageur plus vieux, plus sans pitié que moi,
    Et ce n'est pas un jour, quelques mois, une année,
    Mais c'est tout qu'il doit prendre, aux autres comme à toi !
    Tel que des épis d'or sciés d'un bras avide,
    Il prend beauté, bonheur, et jusqu'au souvenir,
    Fait sa gerbe et s'en va du champ qu'il laisse aride...
    Voilà pourquoi je veux partir !

    Oui ! Partir avant lui, partir avant qu'il vienne !
    Te laisser belle encor sous tes pleurs répandus,
    Ne pas chercher ta main qui froidit dans la mienne,
    Et, sous un front terni, tes yeux, astres perdus !
    N'eût-on que le respect de celle qui fut belle
    Il faudrait s'épargner de la voir se flétrir,
    Puisque Dieu ne veut pas qu'elle soit immortelle !
    Voilà pourquoi je veux partir !

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    Presque en dehors du ciel, ancre entre deux montagnes,
    Le croissant de la lune.
    Tournante, errante nuit, terrassière des yeux,
    Pour compter les étoiles dans la mare, en morceaux.

    Elle est la croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
    Forge de métaux bleus, nuits de lutte cachée,
    Tourne mon cœur, et c'est un volant fou.
    Fille venue de loin, apportée de si loin,
    Son regard est parfois un éclair sous le ciel.
    Incessante complainte et tempête tourbillonnant dans sa furie,
    Au-dessus de mon cœur passe sans t'arrêter.
    Détruis, disperse, emporte, ô vent des sépultures, ta racine assoupie.
    De l'autre côté d'elle arrache les grands arbres.
    Mais toi, épi, question de fumée, fille claire.
    La fille née du vent et des feuilles illuminées.
    Par-delà les montagnes nocturnes, lis blanc de l'incendie
    Ah ! Je ne peux rien dire ! De toute chose elle était faite.

    Couteau de l'anxiété qui partagea mon cœur
    C'est l'heure de cheminer, sur un chemin sans son sourire.
    Tempête, fossoyeur des cloches, trouble et nouvel essor de la tourmente,
    Pourquoi la toucher, pourquoi l'attrister maintenant.

    Ah ! Suivre le chemin qui s'éloigne de tout,
    Que ne fermeront pas la mort, l'hiver, l'angoisse
    Avec leurs yeux ouverts au cœur de la rosée.

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    Si la mort est le but, pourquoi donc sur les routes
    Est-il dans les buissons de si charmantes fleurs ?
    Et lorsqu'au vent d'automne elles s'envolent toutes,
    Pourquoi les voir partir d'un oeil momifié de pleurs ?

    Si la vie est le but, pourquoi donc sur les routes
    Tant de pierres dans l'herbe et d'épines aux fleurs,
    Que, pendant le voyage, hélas ! nous devons toutes
    Tacher de notre sang et mouiller de nos pleurs ?

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