• Albert Lozeau

    --------------

    Comme il fait bon d'être plusieurs quand il fait noir,
    Et que nous subissions l'influence du soir,
    Rêveur, chacun de nous écoutait sa pensée

    Par le même silence intimement bercée.
    La nuit mélancolique épanchait sa douceur
    Avec un caressant geste de grande sœur,
    Et nous voyions passer dans l'ombre transparente,

    De temps en temps, soudaine, une étoile filante.
    Le firmament d'été fourmillait d'astres bleus
    Irradiant l'éther d'éclats miraculeux.
    L'heure était si puissante et si pleine de grâce

    Que chacun la sentait respirer dans l'espace,
    Dans le frissonnement d'une feuille, ou le bruit
    D'un insecte invisible et tournoyant qui fuit...
    Ah ! ce recueillement qui vient avec mystère,

    Et d'autant plus profond qu'il est involontaire !
    La lampe s'est éteinte et le livre est fermé :
    Nul ne songe à l'ouvrir, nul à la rallumer.
    C'est dans son triste cœur, qu'éclaire la nuit noire,

    Que chacun continue une émouvante histoire...
    Rêve, ô suprême joie, ô consolation !
    Baume qui nous guérit du mal de l'action,
    C'est le soir qu'on vous sent descendre sur nos plaies

    Et couler, comme par la pitié de mains vraies !
    Et c'est vous qui dans les jours mauvais de combats
    Nous faites prendre un peu patience ici-bas,
    Et nous donnez, afin que nul ne se délivre,

    La lâcheté peut-être héroïque de vivre !

    http://armanny.blogg.org

    http://www.ipernity.com/home/armanny