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    A l'heure où sur la mer le soir silencieux
    Efface les lointaines voiles,
    Où, lente, se déploie, en marche dans les cieux,
    L'armée immense des étoiles,

    Ne songes-tu jamais que ce clair firmament,
    Comme la mer a ses désastres ?
    Que, vaisseaux envahis par l'ombre, à tout moment
    Naufragent et meurent des astres ?

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    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
    Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
    Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
    Et je te sourirai tout en branlant la tête,
    Et nous ferons un couple adorable de vieux.
    Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
    Avec de petits yeux attendris et brillants,
    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

    Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
    Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,
    Nous aurons une joie attendrie et très douce,
    La phrase finissant toujours par un baiser.
    Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?
    Alors avec grand soin nous le recompterons.
    Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
    De petits riens exquis dont nous radoterons.
    Un rayon descendra, d'une caresse douce,
    Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
    Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
    Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

    Et comme chaque jour je t'aime davantage,
    Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
    Qu'importeront alors les rides du visage ?
    Mon amour se fera plus grave - et serein.
    Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,
    Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
    Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
    Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
    C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
    Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
    Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,
    Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

    Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
    Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur,
    Retenir s'il se peut l'impression trop brève
    Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
    J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
    Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
    Je serai riche alors d'une richesse rare
    J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !
    Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,
    Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
    Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
    J'aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.

    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
    Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
    Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,
    Et je te sourirai tout en branlant la tête
    Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
    Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
    Avec de petits yeux attendris et brillants,
    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

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    Le bassin est uni : sur son onde limpide
    Pas un souffle de vent ne soulève une ride ;
    Au lever du soleil, chaque flot argenté
    Court, par un autre flot sans cesse reflété ;
    Il répète ses fleurs, comme un miroir fidèle ;
    Mais la pointe des joncs sur la rive a tremblé...
    Près du bord, qu'elle rase, a crié l'hirondelle...
    Et l'azur du lac s'est troublé !

    Au sein du bois humide, où chaque feuille est verte,
    Où le gazon touffu boit la rosée en pleurs,
    Où l'espoir des beaux jours rit dans toutes les fleurs,
    Aux baisers du printemps, la rose s'est ouverte ;
    Mais au fond du calice un insecte caché
    Vit, déchirant la fleur de sa dent acérée...
    Et la rose languit, pâle et décolorée
    Sur son calice desséché !

    Un passé tout rempli de chastes jouissances,
    Des baisers maternels, du calme dans le port ;
    Un présent embelli de vagues espérances
    Et de frais souvenirs... amis, voilà mon sort !
    L'avenir n'a pour moi qu'un gracieux sourire ;
    J'ai dix-huit ans ! mon âge est presque le bonheur...
    Je devrais être heureux... non ! mon âme désire...
    Et j'ai du chagrin dans le cœur !...

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    C'était un soir que tout brillait de feux ;
    Un soir qu'éclatant de lumières,
    Tivoli lassait les paupières
    De mille curieux.

    Là, des bosquets blanchis ; là, des masses plus sombres ;
    Des soleils de cristal, des jours brusques, des ombres
    Qui s'allongent sur le gazon ;
    Aux branches des ormeaux des lampes suspendues ;
    Des nacelles dans l'air ; d'innombrables statues
    Et des choeurs qui dansent en rond !

    Ô jardins enchantés ! scènes éblouissantes !
    Brises du soir ! zéphyrs ! haleines caressantes !
    Air brûlant, imprégné de désirs et d'amour !
    Femmes, qu'on suit de l'œil de détour en détour !
    Tumulte ! bals confus, aux amants si propices !
    Tourbillon entraînant ! Tivoli !... - Quand mon cœur,
    Froissé par le dégoût, mais ardent au bonheur,
    Voudra du souvenir savourer les délices,
    J'irai sous tes arceaux, à la place où brilla,
    Comme un astre d'argent, comme un blanc météore,
    Comme un premier éclat d'une naissante aurore,
    Cette belle inconnue... Et je dirai : " C'est là ! "

    C'est là quelle s'assit, rêveuse
    Et fermant ses yeux à demi :
    Là qu'elle demeura, pâle et silencieuse,
    Près d'un vieil époux endormi.

    Malheureuse peut-être au sein de la richesse !
    Malheureuse peut-être avec tant de jeunesse !...
    Comme elle était belle, grand Dieu !
    Et je l'oublîrais, moi !... j'oublîrais sa tristesse
    Et son regard qui semblait un adieu !...

    Non !... non, jamais ! - Un jour, dans les fêtes bruyantes,
    De plaisir, de beauté, des femmes rayonnantes,
    Pourront étaler à mes yeux
    De leurs dix-huit printemps les grâces orgueilleuses,
    Et tracer, en riant, dans leurs danses joyeuses,
    Des pas voluptueux.

    Quand je verrai leurs rangs s'ouvrir à mon passage,
    Quand j'aurai vu rougir leur gracieux visage,
    Peut-être alors mon cœur palpitera ;
    A mes regards une autre sera belle :
    Mais je dirai : Ce n'est pas elle...
    Et mon bonheur s'envolera.

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    Le silence régnait sur la terre et sur l'onde,
    L'air devenait serein et l'Olympe vermeil,
    Et l'amoureux Zéphire affranchi du sommeil
    Ressuscitait les fleurs d'une haleine féconde.

    L'Aurore déployait l'or de sa tresse blonde,
    Et semait de rubis le chemin du Soleil ;
    Enfin ce dieu venait au plus grand appareil
    Qu'il soit jamais venu pour éclairer le monde,

    Quand la jeune Philis au visage riant,
    Sortant de son palais plus clair que l'Orient,
    Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

    Sacré flambeau du jour n'en soyez pas jaloux !
    Vous parûtes alors aussi peu devant elle
    Que les feux de la nuit avaient fait devant vous.

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    Et de vaisseaux, et de vaisseaux,
    Et de voiles, et tant de voiles,
    Mes pauvres yeux allez en eaux,
    Il en est plus qu'il n'est d'étoiles ;

    Et cependant je sais, j'en sais
    Tant d'étoiles et que j'ai vues
    Au-dessus des toits de mes rues,
    Et que j'ai sues et que je sais ;

    Mais des vaisseaux il en est plus,
    - Et j'en sais tant qui sont partis -
    Mais c'est mon testament ici,
    Que de vaisseaux il en est plus ;

    Et des vaisseaux voici les beaux
    Sur la mer, en robes de femmes,
    Allés suivant les oriflammes
    Au bout du ciel sombré dans l'eau,

    Et de vaisseaux tant sur les eaux
    La mer semble un pays en toile,
    Mes pauvres yeux allez en eaux,
    Il en est plus qu'il n'est d'étoiles.

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    Mais maintenant vient une femme,
    Et lors voici qu'on va aimer,
    Mais maintenant vient une femme
    Et lors voici qu'on va pleurer,

    Et puis qu'on va tout lui donner
    De sa maison et de son âme,
    Et puis qu'on va tout lui donner
    Et lors après qu'on va pleurer

    Car à présent vient une femme,
    Avec ses lèvres pour aimer,
    Car à présent vient une femme
    Avec sa chair tout en beauté,

    Et des robes pour la montrer
    Sur des balcons, sur des terrasses,
    Et des robes pour la montrer
    A ceux qui vont, à ceux qui passent,

    Car maintenant vient une femme
    Suivant sa vie pour des baisers,
    Car maintenant vient une femme,
    Pour s'y complaire et s'en aller.

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    Et voile à nul souffle bercée,
    S'enguidonne d'un beau ciel d'or
    Le dimanche très en décor
    Pour les femmes de mes pensées :

    Et les femmes ont dépensé
    Leur cœur tout devant les fenêtres
    Et creusent, d'amour enlisées,
    Jusqu'au pleur ce ciel des fenêtres.

    Vierges d'attente et de martyre,
    Au gril vert des persiennes lasses,
    Dans les jardins des croisées basses,
    Les femmes, jusqu'à se mourir,

    Cristallisent rouge aux fenêtres
    - Appeau naïvement enfant -
    Leur cœur sous les tabliers blancs
    Et tels des rideaux aux fenêtres.

    Or, en vain, les femmes, amantes
    D'aimer, se sentent infinies,
    Leurs besognes sont définies,
    Et, pauvre, leur cœur de servantes

    Froidit, pour que se fassent blanches
    Leurs mains, en très naïves grèves,
    Dans la comédie bleue du rêve.
    Or passent ainsi les dimanches.

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