• Des choses se passent à l'instant !
    Comme des êtres surgissant à la fois
    Des fleuves, des forêts et des océans.

    Le miroir d'une flaque, perlée de soie,
    S'accroche aux branches se sustentant
    À l'arbre aux mille moulins à prières.

    Peignant les étendus d'un vert sylvestre,
    Teinte d'espoir, pour ceux qui croient d'autant,
    Que la pluie s'abreuve de nourritures terrestres.

    Le frisson du vent se mêle au soleil,
    Qu'impressionnent les yeux à fixer le ciel,
    À écouter ce calme des solitudes dénudées,
    Où les bois pleurent de leurs écorces mouillées ...

    Armand Rothan Manny

    TAMBOUR

     

    Hanovre, où que viennent les valses de Vienne,
    Mélodieuses, envoûtantes derrière les persiennes
    De ces trains voyageurs aux nuits for sienne,
    D'un tremblement de tambour ... Émilienne.

    Ce sentiment ne peut retenir le désir,
    Unique révélation, ici et maintenant,
    D'une vagabonde, voyageuse du souvenir,
    Que l'attrait au soleil illumine en s'éloignant ...

    Armand Rothan Manny


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    Dans la course effarée et sans but de ma vie
    Dédaigneux des chemins déjà frayés, trop longs,
    J'ai franchi d'âpres monts, d'insidieux vallons.
    Ma trace avant longtemps n'y sera pas suivie.

    Sur le haut des sommets que nul prudent n'envie,
    Les fins clochers, les lacs, frais miroirs, les champs blonds
    Me parlent des pays trop tôt quittés. Allons,
    Vite ! vite ! en avant. L'inconnu m'y convie.

    Devant moi, le brouillard recouvre les bois noirs.
    La musique entendue en de limpides soirs
    Résonne dans ma tête au rythme de l'allure.

    Le matin, je m'éveille aux grelots du départ,
    En route ! Un vent nouveau baigne ma chevelure,
    Et je vais, fier de n'être attendu nulle part.

    --------------

    Au printemps, c'est dans les bois nus
    Qu'un jour nous nous sommes connus.

    Les bourgeons poussaient vapeur verte.
    L'amour fut une découverte.

    Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
    De rêveurs nous devînmes gais.

    Sous la glycine et le cytise,
    Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise ?

    Nous n'aurions rien dit, réséda,
    Sans ton parfum qui nous aida.

    --------------

    En été les lis et les roses
    Jalousaient ses tons et ses poses,

    La nuit, par l'odeur des tilleuls
    Nous en sommes allés seuls.

    L'odeur de son corps, sur la mousse,
    Est plus enivrante et plus douce.

    En revenant le long des blés,
    Nous étions tous deux bien troublés.

    Comme les blés que le vent frôle,
    Elle ployait sur mon épaule.

    --------------

    L'automne fait les bruits froissés
    De nos tumultueux baisers.

    Dans l'eau tombent les feuilles sèches
    Et sur ses yeux, les folles mèches.

    Voici les pèches, les raisins,
    J'aime mieux sa joue et ses seins.

    Que me fait le soir triste et rouge,
    Quand sa lèvre boudeuse bouge ?

    Le vin qui coule des pressoirs
    Est moins traître que ses yeux noirs.

    --------------

    C'est l'hiver. Le charbon de terre
    Flambe en ma chambre solitaire.

    La neige tombe sur les toits.
    Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids !

    Même sillage aux cheminées
    Qu'en ses tresses disséminées.

    Au bal, chacun jette, poli,
    Les mots féroces de l'oubli,

    L'eau qui chantait s'est prise en glace,
    Amour, quel ennui te remplace !

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    Suis-je seul ? Je me plais encore au coin du feu.
    De nourrir mon brasier mes mains se font un jeu ;
    J'agace mes tisons ; mon adroit artifice
    Reconstruit de mon feu le savant édifice.
    J'éloigne, je rapproche, et du hêtre brûlant
    Je corrige le feu trop rapide ou trop lent.
    Chaque fois que j'ai pris mes pincettes fidèles,
    Partent en pétillant des milliers d'étincelles :
    J'aime à voir s'envoler leurs légers bataillons.
    Que m'importent du Nord les fougueux tourbillons ?
    La neige, les frimas qu'un froid piquant resserre,
    En vain sifflent dans l'air, en vain battent la terre,
    Quel plaisir, entouré d'un double paravent,
    D'écouter la tempête et d'insulter au vent !
    Qu'il est doux, à l'abri du toit qui me protège,
    De voir à gros flocons s'amonceler la neige !
    Leur vue à mon foyer prête un nouvel appas :
    L'homme se plaît à voir les maux qu'il ne sent pas.
    Mon cœur devient-il triste et ma tête pesante ?
    Eh bien, pour ranimer ma gaîté languissante,
    La fève de Moka, la feuille de Canton,
    Vont verser leur nectar dans l'émail du Japon.
    Dans l'airain échauffé déjà l'onde frissonne :
    Bientôt le thé doré jaunit l'eau qui bouillonne,
    Ou des grains du Levant je goûte le parfum.
    Point d'ennuyeux causeur, de témoin importun :
    Lui seul, de ma maison exacte sentinelle,
    Mon chien, ami constant et compagnon fidèle,
    Prend à mes pieds sa part de la douce chaleur.

    Et toi, charme divin de l'esprit et du cœur,
    Imagination ! De tes douces chimères
    Fais passer devant moi les figures légères !
    A tes songes brillants que j'aime à me livrer !
    Dans ce brasier ardent qui va le dévorer,
    Par toi, ce chêne en feu nourrit ma rêverie
    Quelles mains l'ont planté ? Quel sol fut sa patrie ?
    Sur les monts escarpés bravait-il l'Aquilon ?
    Bordait-il le ruisseau ? Parait-il le vallon ?
    Peut-être il embellit la colline que j'aime,
    Peut-être sous son, ombre ai-je rêvé moi-même.
    Tout à coup je l'anime : à son front verdoyant,
    Je rends de ses rameaux le panache ondoyant,
    Ses guirlandes de fleurs, ses touffes de feuillage,
    Et les tendres secrets que voila son ombrage.
    Tantôt environné d'auteurs que je chéris,
    Je prends, quitte et reprends mes livres favoris ;
    A leur feu tout à coup ma verve se rallume ;
    Soudain sur le papier je laisse errer ma plume,
    Et goûte, retiré dans mon heureux réduit,
    L'étude, le repos, le silence, et la nuit.
    Tantôt, prenant en main l'écran géographique,
    D'Amérique en Asie, et d'Europe en Afrique,
    Avec Cook et Forster, dans cet espace étroit,
    Je cours plus d'une mer, franchis plus d'un détroit,
    Chemine sur la terre et navigue sur l'onde,
    Et fais dans mon fauteuil le voyage du monde.
    Agréable pensée, objets délicieux,
    Charmez toujours mon cœur, mon esprit et mes yeux !
    Par vous tout s'embellit, et l'heureuse sagesse
    Trompe l'ennui, l'exil, l'hiver et la vieillesse.

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    Couché sur le dos, dans le vert gazon,
    Je me baigne d'ombre et de quiétude.
    Mes yeux ont enfin perdu l'habitude
    Du spectacle humain qui clôt la prison
    Du vieil horizon.

    Là-bas, sur mon front passent les nuages.
    Qu'ils sont beaux, mon âme ! et qu'ils sont légers,
    Ces lointains amis des calmes bergers !
    S'en vont-ils portant de divins messages,
    Ces blancs messagers ?

    Comme ils glissent vite ! - Et je pense aux femmes
    Dont la vague image en nous flotte et fuit.
    Le vent amoureux qui de près les suit
    Disperse ou confond leurs fluides trames ;
    On dirait des âmes !

    Rassemblant l'essor des désirs épars,
    Ivre du céleste et dernier voyage,
    À quelque âme errante unie au passage,
    Mon âme ! là-haut, tu me fuis, tu pars
    Comme un blanc nuage !

    --------------

    La nuit glisse à pas lents sous les feuillages lourds ;
    Sur les nappes d'eau morte aux reflets métalliques,
    Ce soir traîne là-bas sa robe de velours ;
    Et du riche tapis des fleurs mélancoliques,
    Vers les massifs baignés d'une fine vapeur,
    Partent de chauds parfums dans l'air pris de torpeur.
    Avec l'obsession rythmique de la houle,
    Tout chargés de vertige, ils passent, emportés
    Dans l'indolent soupir qui les berce et les roule.
    Les gazons bleus sont pleins de féeriques clartés ;
    Sur la forêt au loin pèse un sommeil étrange ;
    On voit chaque rameau pendre comme une frange,
    Et l'on n'entend monter au ciel pur aucun bruit.
    Mais une âme dans l'air flotte sur toutes choses,
    Et, docile au désir sans fin qui la poursuit,
    D'elle-même s'essaye à ses métempsycoses.
    Elle palpite et tremble, et comme un papillon,
    A chaque instant, l'on voit naître dans un rayon
    Une forme inconnue et faite de lumière,
    Qui luit, s'évanouit, revient et disparaît.
    Des appels étouffés traversent la clairière
    Et meurent longuement comme expire un regret.
    Une langueur morbide étreint partout les sèves ;
    Tout repose immobile, et s'endort ; mais les rêves
    Qui dans l'illusion tournent désespérés,
    Voltigent par essaims sur les corps léthargiques
    Et s'en vont bourdonnant par les bois, par les prés,
    Et rayant l'air du bout de leurs ailes magiques.
    - Droite, grande, le front hautain et rayonnant,
    Majestueuse ainsi qu'une reine, traînant
    Le somptueux manteau de ses cheveux sur l'herbe,
    Sous les arbres, là-bas, une femme à pas lents
    Glisse. Rigidement, comme une sombre gerbe,
    Sa robe en plis serrés tombe autour de ses flancs.
    C'est la nuit ! Elle étend la main sur les feuillages,
    Et tranquille, poursuit, sans valets et sans pages,
    Son chemin tout jonché de fleurs et de parfums.
    Comme sort du satin une épaule charnue,
    La lune à l'horizon sort des nuages bruns,
    Et plus languissamment s'élève large et nue.
    Sa lueur filtre et joue à travers le treillis
    Des feuilles ; et, par jets de rosée aux taillis,
    Caresse, en la sculptant dans sa beauté splendide,
    Cette femme aux yeux noirs qui se tourne vers moi.
    Enveloppée alors d'une auréole humide,
    Elle approche, elle arrive : et, plein d'un vague effroi,
    Je sens dans ces grands yeux, dans ces orbes sans flamme,
    Avec des sanglots sourds aller toute mon âme.
    Doucement sur mon cœur elle pose la main.
    Son immobilité me fascine et m'obsède,
    Et roidit tous mes nerfs d'un effort surhumain.
    Moi qui ne sais rien d'elle, elle qui me possède,
    Tous deux nous restons là, spectres silencieux,
    Et nous nous contemplons fixement dans les yeux.

    --------------

    Sous l'épais treillis des feuilles tremblantes,
    Au plus noir du bois la lune descend ;
    Et des troncs moussus aux cimes des plantes,
    Son regard fluide et phosphorescent
    Fait trembler aux bords des corolles closes
    Les larmes des choses.

    Lorsque l'homme oublie au fond du sommeil,
    La vie éternelle est dans les bois sombres ;
    Dans les taillis veufs du brûlant soleil
    Sous la lune encor palpitent leurs ombres,
    Et jamais leur âme, au bout d'un effort,
    Jamais ne s'endort !

    Le clair de la lune en vivantes gerbes
    Sur les hauts gazons filtre des massifs.
    Et les fronts penchés, les pieds dans les herbes,
    Les filles des eaux, en essaims pensifs,
    Sous les saules blancs en rond sont assises,
    Formes indécises.

    La lune arrondit son disque lointain
    Sur le bois vêtu d'un brouillard magique
    Et dans une eau blême aux reflets d'étain ;
    Et ce vieil étang, miroir nostalgique,
    Semble ton grand oeil, ô nature ! Hélas !
    Semble un grand oeil las.

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  • --------------

    Petite perle cristalline
    Tremblante fille du matin,
    Au bout de la feuille de thym
    Que fais-tu sur la colline ?

    Avant la fleur, avant l'oiseau,
    Avant le réveil de l'aurore,
    Quand le vallon sommeille encore
    Que fais-tu là sur le coteau ?

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