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    Sur la terre il tombe de la neige,
    Sur la terre il tombe de l'ombre.

    Où sont allées les feuilles mortes ?
    Même les feuilles sèches sont mortes,
    Et maintenant de la neige et de l'ombre tombent.

    On dirait de mauvais anges qui heurtent
    Les marteaux rouillés contre les portes,
    Des anges qui nous tuent de souffrances très lentes.
    Et, à l'horizon, les tristes nues, traînantes...

    Les maisons sont closes comme des tombes sombres,
    Et, partout, c'est de la neige et de l'ombre qui tombent.

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  • --------------

    J'ai une forge dans le cœur.
    Je sens plus pourpre que l'aurore,
    Plus noyé que l'algue,
    Plus lointain que la mouette,
    Plus creux que les puits.
    Mais je ne donne naissance
    Qu'à l'écaille et qu'aux grains.

    Ma langue se prend aux mots:
    Je n'exprime plus blanc,
    Je ne dis plus noir;
    A peine le gris d'une falaise rongée,
    Le bref vertige d'une ombre,
    L'hirondelle entrevue
    Et l'iris deviné.

    Où sont les justes paroles,
    Le feu sans agonie,
    Le poème final ?
    En quel lieu est la vie ?

    --------------

    Toutes ces brumes
    Issues de nos chagrins

    Tous ces orages
    Qui bataillent entre nos tempes

    Toutes ces ombres
    Qui emmurent l'espérance

    Tous ces cris
    Qui entravent notre chant

    Toutes ces craintes
    Qui retiennent nos pas

    Toutes les clartés
    Qui naissent de ces remous !

    --------------

    Parcourir l'Arbre
    Se lier aux jardins
    Se mêler aux forêts
    Plonger au fond des terres
    Pour renaître de l'argile

    Peu à peu
    S'affranchir des sols et des racines
    Gravir lentement le fût
    Envahir la charpente
    Se greffer aux branchages

    Puis dans un éclat de feuilles
    Embrasser l'espace
    Résister aux orages
    Déchiffrer les soleils
    Affronter jour et nuit

    Cheminer d'arbre en arbre
    Explorant l'éphémère
    Aller d'arbre en arbre
    Dépistant la durée.

    --------------

    Recueillir le grain des heures
    Étreindre l'étincelle
    Ravir un paysage
    Absorber l'hiver avec le rire
    Dissoudre les nœuds du chagrin
    S'imprégner d'un visage
    Moissonner à voix basse
    Flamber pour un mot tendre
    Embrasser la ville et ses reflux
    Écouter l'océan en toutes choses
    Entendre les sierras du silence
    Transcrire la mémoire des miséricordieux
    Relire un poème qui avive
    Saisir chaque maillon d'amitié

    --------------

    Laquelle de nos nuits s'incline si bas
    Qu'elle nous force à toucher cendres
    Laquelle de nos nuits nous prend pour cible
    Détisse ou rompt le jour

    Comment retrouver l'aube
    Et son métal dissous
    Avec quoi reforger le fanal ?

    De quel œil rivé sur l'horizon
    Défier la carapace des ombres
    De quel cri saluer l'éclair entrevu ?

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    Au début, j'avais promis de me taire
    Mais plus tard, au matin,
    Je vous ai vus sortir avec des sacs de cendre devant les portes
    Et la répandre comme on sème le blé ;
    N'y tenant plus, j'ai crié : Que faites-vous ? Que faites-vous ?
    C'est pour vous que j'ai neigé toute la nuit sur la ville,
    C'est pour vous que j'ai blanchi chaque chose toute la nuit - ô si
    Vous pouviez comprendre comme il est difficile de neiger !
    Hier soir, à peine étiez-vous couchés, que j'ai bondi dans l'espace
    Il y faisait sombre et froid. Il me fallait
    Voler jusqu'au point unique où
    Le vide fait tournoyer les soleils et les éteint,
    Tandis que je devais palpiter encore un instant dans ce coin,
    Afin de revenir, neigeant parmi vous.
    Le moindre flocon, je l'ai surveillé, pesé, éprouvé,
    Pétri, fait briller du regard,
    Et maintenant, je tombe de sommeil et de fatigue et j'ai la fièvre.
    Je vous regarde répandre la poussière du feu mort
    Sur mon blanc travail et, souriant, je vous annonce :
    Des neiges bien plus grandes viendront après moi
    Et il neigera sur vous tout le blanc du monde.
    Essayez dès à présent de comprendre cette loi,
    Des neiges gigantesques viendront après nous,
    Et vous n'aurez pas assez de cendre.
    Et même les tout petits enfants apprendront à neiger.
    Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier.
    Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles
    Comme un astre brûlant de neige.

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    Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent,
    La rumeur du jour vif se disperse et s'enfuit,
    Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
    Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent...

    Les marronniers, dans l'air plein d'or et de splendeur,
    Répandent leurs parfums et semblent les étendre;
    On n'ose pas marcher ni remuer l'air tendre
    De peur de déranger le sommeil des odeurs.

    De lointains roulements arrivent de la ville...
    La poussière, qu'un peu de brise soulevait,
    Quittant l'arbre mouvant et las qu'elle revêt,
    Redescend doucement sur les chemins tranquilles.

    Nous avons tous les jours l'habitude de voir
    Cette route si simple et si souvent suivie,
    Et pourtant quelque chose est changé dans la vie,
    Nous n'aurons plus jamais notre âme de ce soir.

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    On a parqué les anges
    Aux plumes mouillées
    À l'avant des longs bateaux plats
    Qui descendent la Seine
    Au fil des courants amers 
    Leurs lourdes ailes imprégnées d'eau et de tonnerre
    Les empêchent de repartir vers le ciel bleu
    Où les attend Dieu
    Ils ne prennent plus leur élan
    Et piétinent sur place
    Pareils à des volailles dans des flaques
    Au passage
    Découvrent les berges monotones
    Des femmes et des hommes
    Dans la passion de vivre surpris
    Bien moins s'en étonnent
    Que du sort étrange des anges.
    Parmi les trombes et les éclairs
    En plein vol foudroyés et livrés
    Toutes ailes rabattues
    Aux mariniers aveugles et sourds.
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