• Léon Valade

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    Il est de fins ressorts dont la marche ignorée
    - Ni savants, ni rêveurs, n'ont deviné comment -
    Va dans un coin de l'âme éveiller brusquement
    Le parfum d'une fleur autrefois respirée.

    Autrefois, le céleste épanouissement
    De ta bouche qui rit, cette rose pourprée,
    M'avait tout embaumé l'âme... Chère adorée
    Qui t'envolas si tôt, l'oubli vint lentement !

    Voilà que, ravivant ton image effacée,
    Ta grâce tout à coup me vient à la pensée,
    Comme l'air qu'un hasard souffle aux musiciens.

    D'un soir déjà lointain je reconnais les fièvres
    Et mon cœur a senti refluer à mes lèvres
    Une fraîche saveur de baisers anciens.

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    Le ciel des nuits d'été fait à Paris dormant
    Un dais de velours bleu piqué de blanches nues,
    Et les aspects nouveaux des ruelles connues
    Flottent dans un magique et pâle enchantement.

    L'angle, plus effilé, des noires avenues
    Invite le regard, lointain vague et charmant.
    Les derniers Philistins, qui marchent pesamment,
    Ont fait trêve aux éclats de leurs voix saugrenues.

    Les yeux d'or de la Nuit, par eux effarouchés,
    Brillent mieux, à présent que les voilà couchés...
    - C'est l'heure unique et douce où vaguent, de fortune,

    Glissant d'un pas léger sur le pavé chanceux,
    Les poètes, les fous, les buveurs, - et tous ceux
    Dont le cerveau fêlé loge un rayon de lune.

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    C'est un trumeau. Le site est galant à merveille :
    Un ciel bleu ; point d'épis, mais des buissons entiers
    De roses ; et partout débouchent des sentiers
    Les couples qu'au hasard le Printemps appareille.

    Les pimpantes beautés, une perle à l'oreille,
    Une plume au chapeau, les grands seigneurs altiers
    Cheminent enlacés ; et les fiers églantiers
    Pâlissent à côté de leur grâce vermeille.

    But commun de ces beaux pèlerins, apparaît
    Dans le fond un rustique et riant cabaret
    Dont un vert chèvrefeuille embaume les tonnelles.

    Aux fenêtres, croisant ses vrilles à plaisir,
    Le liseron bleuit comme un vague désir...
    Et sur l'enseigne on lit : Aux amours éternelles !

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    Sur la mer de tes yeux sincères
    Qu'abritent les doux cils arqués,
    Mes rêves se sont embarqués
    Comme d'aventureux corsaires.

    Sur l'azur glauque de tes yeux
    Où baignent des lueurs d'étoiles,
    Mes rêves déployant leurs voiles
    Ont cru fendre le bleu des cieux.

    Et dans vos prunelles profondes,
    Beaux yeux perfides où je lis,
    Mes rêves sont ensevelis
    Comme le noyé sous les ondes.

    http://armanny.blogg.org