• Albert Glatigny

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    Vous dont les rêves sont les miens,
    Vers quelle terre plus clémente,
    Par la pluie et par la tourmente,
    Marchez-vous, doux Bohémiens ?

    Hélas ! dans vos froides prunelles
    Où donc le rayon de soleil ?
    Qui vous chantera le réveil
    Des espérances éternelles ?

    Le pas grave, le front courbé,
    A travers la grande nature
    Allez, ô voix de l'Aventure !
    Votre diadème est tombé !

    Pour vous, jusqu'à la source claire
    Que Juillet tarira demain,
    Jusqu'à la mousse du chemin,
    Tout se montre plein de colère.

    On ne voit plus sur les coteaux,
    Au milieu des vignes fleuries,
    Se dérouler les draperies
    Lumineuses de vos manteaux !

    L'ennui profond, l'ennui sans bornes,
    Vous guide, ô mes frères errants !
    Et les cieux les plus transparents
    Semblent sur vous devenir mornes.

    Quelquefois, par les tendres soirs,
    Lorsque la nuit paisible tombe,
    Vous voyez sortir de la tombe
    Les spectres vains de vos espoirs.

    Et la Bohème poétique,
    Par qui nous nous émerveillons,
    Avec ses radieux haillons
    Surgit, vivante et fantastique.

    Et, dans un rapide galop,
    Vous voyez tournoyer la ronde
    Du peuple noblement immonde
    Que nous légua le grand Callot.

    Ainsi, dans ma noire tristesse,
    Je revois, joyeux et charmants,
    Passer tous les enivrements
    De qui mon âme fut l'hôtesse ;

    Les poèmes inachevés,
    Les chansons aux rimes hautaines,
    Les haltes au bord des fontaines,
    Les chants et les bonheurs rêvés ;

    Tout prend une voix et m'invite
    A recommencer le chemin,
    Tout me paraît tendre la main...
    Mais la vision passe vite.

    Et, par les temps mauvais ou bons,
    Je reprends, sans nulle pensée,
    Ma route, la tête baissée,
    Pareil à mes chers vagabonds !

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