• Aimé Césaire

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    Partir.
    Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serais un homme-juif
    un homme-cafre
    un homme-hindou-de-Calcutta
    un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas

    l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
    on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
    de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
    de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
    un homme-juif
    un homme-pogrom
    un chiot
    un mendigot

    mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
    face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
    dans sa soupière un crâne de Hottentot ?

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    à même le fleuve de sang de terre
    à même le sang de soleil brisé
    à même le sang d'un cent de clous de soleil
    à même le sang du suicide des bêtes à feu
    à même le sang de cendre le sang de sel le sang des
    sangs d'amour / à même le sang incendié d'oiseau feu
    hérons et faucons
    montez et brûlez

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    Soleil serpent œil fascinant mon œil
    et la mer pouilleuse d'îles craquant aux doigts des roses
    lance-flamme et mon corps intact de foudroyé
    l'eau exhausse les carcasses de lumière perdues dans le couloir sans pompe
    des tourbillons de glaçons auréolent le cœur fumant des
    corbeaux
    nos cœurs c'est la voix des foudres apprivoisées tournant sur leurs
    gonds de lézarde transmission d'anolis au paysage de verres cassés c'est
    les fleurs vampires à la relève des orchidées
    élixir du feu central
    feu juste feu manguier de nuit couvert d'abeilles mon
    désir un hasard de tigres surpris aux soufres mais l'éveil
    stanneux se dore des gisements enfantins
    et mon corps de galet mangeant poisson mangeant
    colombes et sommeils
    le sucre du mot Brésil au fond du marécage.

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    train d'okapis facile aux pleurs la rivière aux doigts charnus
    fouille dans le cheveu des pierres mille
    lunes miroirs
    tournants
    mille morsures de diamants mille langues sans oraison
    fièvre entrelacs d'archet caché à la remorque des mains de pierre
    chatouillant l'ombre des songes plongés aux simulacres de la mer

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