• John Keats

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    Bright star, would I were stedfast as thou art --
    Not in lone splendor hung aloft the night,
    And watching, with eternal lids apart,
    Like nature's patient, sleepless eremite,
    The moving waters at their priestlike task
    Of pure ablution round earth's human shores,
    Or gazing on the new soft-fallen mask
    Of snow upon the mountains and the moors ;
    No -- yet still stedfast, still unchangeable,
    Pillow'd upon my fair love's ripening breast,
    To feel for ever its soft swell and fall,
    Awake for ever in a sweet unrest,
    Still, still to hear her tender-taken breath,
    And so live ever -- or else swoon to death.

    Étoile éclatante, puissais-je comme toi être figé -
    Non pas dans une solitaire splendeur suspendue au dessus de la nuit,
    Et guettant, éternellement séparé par des couvercles,
    Tel un malade de la nature, un ermite sans sommeil,
    Les eaux mouvantes toutes entières à leur prêche
    Pour purifier par leur pure ablution les rives humaines tout autour de la terre,
    Ou fixant le masque nouvellement et doucement tombé de la neige
    Sur les montagnes et les landes;
    Non - pas encore totalement figé, encore immuable,
    Pelotonné sur la poitrine mûre de mon bel amour,
    Pour ressentir à jamais son suave parfum et son automne,
    A jamais éveillé en une douce agitation,
    Immobile, immobile pour entendre son souffle arraché à la tendresse
    Et ainsi vivre pour toujours - ou sinon me pâmer dans la mort.

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    When I have fears that I may cease to be
    Before my pen has glean'd my teeming brain,
    Before high-piled books, in charactery,
    Hold like rich garners the full ripen'd grain;
    When I behold, upon the night's starr'd face,
    Huge cloudy symbols of a high romance,
    And think that I may never live to trace
    Their shadows, with the magic hand of chance;
    And when I feel, fair creature of an hour,
    That I shall never look upon thee more,
    Never have relish in the faery power
    Of unreflecting love;--then on the shore
    Of the wide world I stand alone, and think
    Till love and fame to nothingness do sink.

    Quand tant j'ai peur de ne plus être
    Avant que ma plume n'ait grappillé toute ma cervelle fourmillante,
    Avant qu'une haute pile de livres ne se soit élevée, avec leurs caractères,
    Maintenant comme les riches greniers entasse tout le grain mûr ;
    Quand je contemple, sur la face étoilée de la nuit,
    Des nuages immenses de symboles d'une très haute poésie,
    Et que je pense que jamais je ne vivrai pour retracer
    Leurs ombres, avec le coup de pouce magique de la chance ;
    Et quand je ressens, belle créature d'une seule heure,
    Que plus jamais je ne te verrai ;
    Jamais plus je ne me délecterai à cet enchanteur pouvoir
    D'un amour spontané ; - alors sur le rivage
    Du vaste monde je me tiens solitaire, et je médite
    Jusqu'à ce qu'amour et gloire se noient dans le néant.

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    Mon cœur souffre et la douleur engourdit
    Mes sens, comme si j’avais bu d’un trait
    La ciguë ou quelque liquide opiacé
    Et coulé, en un instant, au fond du Léthé :
    Ce n’est pas que j’envie ton heureux sort,
    Mais plutôt que je me réjouis trop de ton bonheur,
    Quand tu chantes, Dryade des bois aux ailes
    Légères, dans la mélodie d’un bosquet
    De hêtres verts et d’ombres infinies,
    L’été dans l’aise de ta gorge déployée.

    Oh, une gorgée de ce vin !
    Rafraîchi dans les profondeurs de la terre,
    Ce vin au goût de Flore, de verte campagne,
    De danse, de chant provençal et de joie solaire !
    Oh, une coupe pleine du Sud brûlant,
    Pleine de la vraie Hippocrène, si rougissante,
    Où brillent les perles des bulles au bord
    Des lèvres empourprées ;
    Oh, que je boive et que je quitte le monde en secret,
    Pour disparaître avec toi dans la forêt obscure :

    Disparaître loin, m’évanouir, me dissoudre et oublier
    Ce que toi, ami des feuilles, tu n’a jamais connu,
    Le souci, la fièvre, le tourment d’être
    Parmi les humains qui s’écoutent gémir.
    Tandis que la paralysie n’agite que les derniers cheveux,
    Tandis que la jeunesse pâlit, spectrale, et meurt ;
    Tandis que la pensée ne rencontre que le chagrin
    Et les larmes du désespoir,
    Tandis que la Beauté perd son œil lustral,
    Et que l’amour nouveau languit en vain.

    Fuir ! Fuir ! m’envoler vers toi,
    Non dans le char aux léopards de Bacchus,
    Mais sur les ailes invisibles de la Poésie,
    Même si le lourd cerveau hésite :
    Je suis déjà avec toi ! Tendre est la nuit,
    Et peut-être la Lune-Reine sur son trône,
    S’entoure-t-elle déjà d’une ruche de Fées, les étoiles ;
    Mais je ne vois ici aucune lueur,
    Sinon ce qui surgit dans les brises du Ciel
    A travers les ombres verdoyantes et les mousses éparses.

    Je ne peux voir quelles fleurs sont à mes pieds,
    Ni quel doux parfum flotte sur les rameaux,
    Mais dans l’obscurité embaumée, je devine
    Chaque senteur que ce mois printanier offre
    A l’herbe, au fourré, aux fruits sauvages ;
    A la blanche aubépine, à la pastorale églantine ;
    Aux violettes vite fanées sous les feuilles ;
    Et à la fille aînée de Mai,
    La rose musquée qui annonce, ivre de rosée,
    Le murmure des mouches des soirs d’été.

    Dans le noir, j’écoute ; oui, plus d’une fois
    J’ai été presque amoureux de la Mort,
    Et dans mes poèmes je lui ai donné de doux noms,
    Pour qu’elle emporte dans l’air mon souffle apaisé ;
    A présent, plus que jamais, mourir semble une joie,
    Oh, cesser d’être - sans souffrir - à Minuit,
    Au moment où tu répands ton âme
    Dans la même extase !
    Et tu continuerais à chanter à mes oreilles vaines
    Ton haut Requiem à ma poussière.

    Immortel rossignol, tu n’es pas un être pour la mort !
    Les générations avides n’ont pas foulé ton souvenir ;
    La voix que j’entends dans la nuit fugace
    Fut entendue de tout temps par l’empereur et le rustre :
    Le même chant peut-être s’était frayé un chemin
    Jusqu’au cœur triste de Ruth, exilée,
    Languissante, en larmes au pays étranger ;
    Le même chant a souvent ouvert,
    Par magie, une fenêtre sur l’écume
    De mers périlleuses, au pays perdu des Fées.

    Perdu ! Ce mot sonne un glas
    Qui m’arrache de toi et me rend à la solitude !
    Adieu ! L’imagination ne peut nous tromper
    Complètement, comme on le dit - ô elfe subtil !
    Adieu ! Adieu ! Ta plaintive mélodie s’enfuit,
    Traverse les prés voisins, franchit le calme ruisseau,
    Remonte le flanc de la colline et s’enterre
    Dans les clairières du vallon :
    Etait-ce une illusion, un songe éveillé ?
    La musique a disparu : ai-je dormi, suis-je réveillé ?

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    Saison de brumes et de fruits emplis de tendresse,
    Si proche amie du soleil mature;
    Et complotant avec lui à alourdir et bénir
    De fruits les vignes qui courent autour des toits de chaumes;
    A faire ployer sous les pommes les arbres moussus des chaumières;
    Et emplir jusqu’au cœur tous les fruits de leur mûrissement;
    Et faire se gonfler les courges, et arrondir les coques des noisettes
    Avec un doux noyau; à faire bourgeonner tant et plus,
    Et toujours plus, pour que viennent des fleurs tardives pour les abeilles,
    Jusqu’à ce qu’elles pensent que jamais ne s’arrêtent les jours chauds,
    Car l’été a rempli à ras bord leurs moites alvéoles.

    Qui ne t’as point souvent vue au milieu de ton commerce ?
    Parfois quiconque qui cherche tout au loin peut te trouver
    Assise négligemment sur le sol du grenier,
    Tes cheveux doucement caressés et tamisés par le vent;
    Ou sonore endormie dans un sillon à demi moissonné,
    Somnolente sous le parfum des pavots, pendant que ta faucille
    Dépouille la prochaine botte et toutes ses fleurs entrelacées :
    Et parfois comme un glaneur tu veux garder
    Bien droite ta tête lourde au milieu du ruisseau,
    Ou près d’un pressoir à cidre, avec une attention patiente
    Tu observes le dernier écoulement heures par heures

    Où sont les chants du printemps ? Ah, où sont-ils donc ?
    Ne pense pas à eux, tu as toi aussi ta musique,
    Quand le jour doucement mourant fleurit de nuages défendus,
    Et caresse de teintes roses les chaumes;
    Alors dans un triste chœur gémissent les petits moucherons
    Parmi les saules de la rivière, portés vers le haut
    Ou faisant naufrage comme le vent léger vit ou meurt ;
    Et bêlent les grands agneaux aux limites des vallons ;
    Dans la haie chante le criquet ; et maintenant doucement aérien
    Le rouge-gorge siffle depuis la maisonnette ;
    Et les hirondelles assemblées gazouillent dans le ciel.