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Michel Houellebecq
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Un instant large, hostile, où tout s'agite et bouge ;
Sur les balcons du ciel se tord une nuit rouge,
Soutien-gorge du vide, lingerie du néant
Où sont les corps en vie qui s'agitaient dedans ?
Ils sont partis vaquer dans des prairies malsaines
Dans des trous emplis d'eau, encerclés de fougères
Et la nuit est tombée, doucement, sur la plaine
Le ciel ne se souvient, ni la nuit, ni l'hiver.
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Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé,
il a fallu que tu reviennes.
Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de meilleur,
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s'unissent et renaissent.
Entré en dépendance entière,
Je sais le tremblement de l'être
l'hésitation à disparaître,
Le soleil qui frappe en lisière
Et l'amour où tout est facile,
Où tout est donné dans l'instant;
Il existe au milieu du temps
La possibilité d'une île.
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Il y aura des journées et des temps difficiles
Et des nuits de souffrance qui semblent insurmontables
Où l'on pleure bêtement les deux bras sur la table
Où la vie suspendue ne tient plus qu'à un fil ;
Mon amour je te sens qui marche dans la ville.
Il y aura des lettres écrites et déchirées
Des occasions perdues des amis fatigués
Des voyages inutiles des déplacements vides
Des heures sans bouger sous un soleil torride,
Il y aura la peur qui me suit sans parler
Qui s'approche de moi, qui me regarde en face
Et son sourire est beau, son pas lent et tenace
Elle a le souvenir dans ses yeux de cristal,
Elle a mon avenir dans ses mains de métal
Elle descend sur le monde comme un halo de glace.
Il y aura la mort tu le sais mon amour
Il y aura le malheur et les tout derniers jours
On n'oublie jamais rien, les mots et les visages
Flottent joyeusement jusqu'au dernier rivage
Il y aura le regret, puis un sommeil très lourd.
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J'ai peur de tous ces gens raisonnables et soumis
Qui voudraient me priver de mes amphétamines.
Pourquoi vouloir m'ôter mes dernières amies ?
Mon corps est fatigué et ma vie presque en ruine.
Souvent les médecins, ces pustules noircies,
Fatiguent mon cerveau de sentences uniformes ;
Je vis ou je survis très en dehors des normes ;
Je m'en fous. Et mon but n'est pas dans cette vie.
Quelquefois le matin je sursaute et je crie,
C'est rapide c'est très bref mais là j'ai vraiment mal ;
Je m'en fous et j'emmerde la protection sociale.
Le soir je relis Kant, je suis seul dans mon lit.
Je pense à ma journée, c'est très chirurgical ;
Je m'en fous. Je reviens vers le point initial.
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D'abord j'ai trébuché dans un congélateur
Je me suis mis à pleurer et j'avais un peu peur
Quelqu'un a grommelé que je cassais l'ambiance ;
Pour avoir l'air normal j'ai repris mon avance.
Des banlieusards sapés et au regard brutal
Se croisaient lentement près des eaux minérales.
Une rumeur de cirque et de demi-débauche
Montait des rayonnages. Ma démarche était gauche.
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Je ne jalouse pas ces pompeux imbéciles
Qui s'extasient devant le terrier d'un lapin
Car la nature est laide, ennuyeuse et hostile ;
Elle n'a aucun message à transmettre aux humains.
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Le matin était clair et absolument beau ;
Tu voulais préserver ton indépendance.
Je t'attendais en regardant les oiseaux :
Quoi que je fasse, il y aurait la souffrance.
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C'est fini. Maintenant, je préfère le soir.
Je sens chaque matin monter la lassitude,
J'entre dans la région des grandes solitudes,
Je ne désires plus qu'une paix sans victoire.
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Tant de coeurs ont battus, déjà, sur cette terre
Et les petits objets blottis dans leurs armoires
Racontent la sinistre et lamentable histoire
De ceux qui n'ont pas eu d'amour sur cette terre.
La petite vaisselle des vieux célibataires,
Les couverts ébréchés de la veuve de guerre
Mon dieu ! Et les mouchoirs des vieilles demoiselles
L'intérieur des armoires, que la vie est cruelle !
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Il n'y a pas de destin ni de fidélité,
Mais des corps qui s'attirent.
Sans nul attachement et surtout sans pitié,
On joue et on déchire.
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S'il y a quelqu'un qui m'aime, sur Terre ou dans les astres,
Il devrait maintenant me faire un petit signe
Je sens s'accumuler les prémisses d'un désastre,
Le rasoir dans mon bras trace un trait rectiligne.