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Andrée Chédid
--------------J'ai une forge dans le cœur.
Je sens plus pourpre que l'aurore,
Plus noyé que l'algue,
Plus lointain que la mouette,
Plus creux que les puits.
Mais je ne donne naissance
Qu'à l'écaille et qu'aux grains.Ma langue se prend aux mots:
Je n'exprime plus blanc,
Je ne dis plus noir;
A peine le gris d'une falaise rongée,
Le bref vertige d'une ombre,
L'hirondelle entrevue
Et l'iris deviné.Où sont les justes paroles,
Le feu sans agonie,
Le poème final ?
En quel lieu est la vie ?--------------
Toutes ces brumes
Issues de nos chagrinsTous ces orages
Qui bataillent entre nos tempesToutes ces ombres
Qui emmurent l'espéranceTous ces cris
Qui entravent notre chantToutes ces craintes
Qui retiennent nos pasToutes les clartés
Qui naissent de ces remous !--------------
Parcourir l'Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l'argilePeu à peu
S'affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchagesPuis dans un éclat de feuilles
Embrasser l'espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuitCheminer d'arbre en arbre
Explorant l'éphémère
Aller d'arbre en arbre
Dépistant la durée.--------------
Recueillir le grain des heures
Étreindre l'étincelle
Ravir un paysage
Absorber l'hiver avec le rire
Dissoudre les nœuds du chagrin
S'imprégner d'un visage
Moissonner à voix basse
Flamber pour un mot tendre
Embrasser la ville et ses reflux
Écouter l'océan en toutes choses
Entendre les sierras du silence
Transcrire la mémoire des miséricordieux
Relire un poème qui avive
Saisir chaque maillon d'amitié--------------
Laquelle de nos nuits s'incline si bas
Qu'elle nous force à toucher cendres
Laquelle de nos nuits nous prend pour cible
Détisse ou rompt le jourComment retrouver l'aube
Et son métal dissous
Avec quoi reforger le fanal ?De quel œil rivé sur l'horizon
Défier la carapace des ombres
De quel cri saluer l'éclair entrevu ?http://armanny.blogg.org