• Algernon Charles Swinburne

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    La nuit écoute et se penche sur l'onde
    Pour y cueillir rien qu'un souffle d'amour ;
    Pas de lueur, pas de musique au monde,
    Pas de sommeil pour moi ni de séjour.
    Ô mère, ô Nuit, de ta source profonde
    Verse-nous, verse enfin l'oubli du jour.

    Verse l'oubli de l'angoisse et du jour ;
    Chante ; ton chant assoupit l'âme et l'onde
    Fais de ton sein pour mon âme un séjour,
    Elle est bien lasse, ô mère, de ce monde,
    Où le baiser ne veut pas dire amour,
    Où l'âme aimée est moins que toi profonde.

    Car toute chose aimée est moins profonde,
    Ô Nuit, que toi, fille et mère du jour ;
    Toi dont l'attente est le répit du monde,
    Toi dont le souffle est plein de mots d'amour,
    Toi dont l'haleine enfle et réprime l'onde,
    Toi dont l'ombre a tout le ciel pour séjour.

    La misère humble et lasse, sans séjour,
    S'abrite et dort sous ton aile profonde ;
    Tu fais à tous l'aumône de l'amour :
    Toutes les soifs viennent boire à ton onde,
    Tout ce qui pleure et se dérobe au jour,
    Toutes les faims et tous les maux du monde.

    Moi seul je veille et ne vois dans ce monde
    Que ma douleur qui n'ait point de séjour
    Où s'abriter sur ta rive profonde
    Et s'endormir sous tes yeux loin du jour ;
    Je vais toujours cherchant au bord de l'onde
    Le sang du beau pied blessé de l'amour.

    La mer est sombre où tu naquis, amour,
    Pleine des pleurs et des sanglots du monde ;
    On ne voit plus le gouffre où naît le jour
    Luire et frémir sous ta lueur profonde ;
    Mais dans les cœurs d'homme où tu fais séjour
    La couleur monte et baisse comme une onde.

    Envoi

    Fille de l'onde et mère de l'amour,
    Du haut séjour plein de ta paix profonde
    Sur ce bas monde épands un peu de jour.

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